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 Libye : les leçons d’une guerre imbécile

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كاتب الموضوعرسالة
tahar

tahar


عدد المساهمات : 897
تاريخ التسجيل : 26/02/2010

Libye : les leçons d’une guerre imbécile Empty
مُساهمةموضوع: Libye : les leçons d’une guerre imbécile   Libye : les leçons d’une guerre imbécile Icon_minitimeالأحد 19 يونيو 2011 - 18:43

Libye : les leçons d’une guerre imbécile

Libye : les leçons d’une guerre imbécile Images?q=tbn:ANd9GcSSDjPkW1bW73rgJjFyozjIGh6v8TQ_ecT1qGuvJNY0uKt7Lha-Iw

L'Elysée « célébrera » dimanche 19  juin
les trois premiers mois de la guerre lancée contre le tyran
Mouammar Kadhafi. Au fait, en parle-t-on
encore ? Le pouvoir se garde d'évoquer le sujet après les coups de
trompette triomphalistes du mois de mars. Les médias, qui avaient
quasi-unanimement applaudi cette entrée en guerre mise
en scène par Bernard-Henri Lévy (« Enfin ! », titrait Laurent
Joffrin, du Nouvel Observateur), n'en parlent plus guère.
Car au-delà des communiqués en langue toute militaire de l'Otan, un
premier bilan se révèle inquiétant, voire
catastrophique.

 
La guerre de Libye se révèle bien être le piège que
nous redoutions dès son déclenchement (retrouver
sous l'onglet « Prolonger » nos principaux articles).
 
Libye : les leçons d’une guerre imbécile Getresource
Cliquez sur la carte pour l'agrandir.

Certes, Kadhafi est sans doute condamné, et c'est tant mieux.
Mais ce conflit est à la fois révélateur et destructeur. Révélateur de
l'irresponsabilité de cette présidence et de la
faiblesse de l'Europe. Révélateur de l'incapacité de l'Otan.
Destructeur de la Libye d'abord et, en ricochet, de bon nombre d'espoirs
portés par les révolutions arabes. Destructeur enfin par la
catastrophe humanitaire qu'il est en train de provoquer avec près
d'un million de réfugiés ayant fui le pays dans des conditions  terribles.
Trois mois après les premiers bombardements, voici les principaux
éléments de bilan d'une guerre devenue un dangereux guêpier.
 
1. Questions sur l'entrée en guerre

Plus le temps passe et plus les interrogations grandissent
sur les raisons réelles de l'entrée en guerre. «Protéger les populations civiles»,
 dit la résolution 1973 de l'ONU, éviter
«un épouvantable massacre à Benghazi», a claironné
partout BHL, relayé par Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Est-ce si
simple? Un premier rapport d'Amnesty International, rendu public
jeudi, interroge fortement la réalité et l'ampleur de la
répression meurtrière engagée par Kadhafi contre son peuple.
L'organisation conteste le nombre de victimes et accuse les rebelles
d'avoir multiplié, eux aussi, les crimes.

Donatella Rovera, qui vient de passer trois mois en Libye pour
Amnesty, assure que le nombre de victimes de Kadhafi durant la première
phase des événements – avant la guerre – est bien moindre
qu'annoncé. «Le nombre de morts a été grandement exagéré, explique Donatella Rovera. On parlait de 2000 morts à Benghazi. Or la répression a fait dans cette ville de 100 à 110
morts et à Al-Baïda une soixantaine.»


C'est une fois l'intervention militaire engagée que l'armée de Kadhafi s'est déchaînée contre les populations: «A Misrata, les crimes de guerre des pro-Kadhafi sont clairs. Il y a eu des
tirs totalement sans discrimination sur les civils»
, ajoute la représentante d'Amnesty. Dans le
même temps, elle pointe la véritable «chasse aux sorcières» menée par les rebelles contre les Africains sub-sahariens présents dans le pays et considérés, à tort, comme des mercenaires.

  2. Kadhafi en tyran suractif

 
 Il ne devait tenir que quelques jours : Kadhafi l'insupportable
dictateur devait être renversé, assassiné par ses proches, trahi. Ou
prendre la fuite dans l'écroulement bruyant de
son appareil répressif et la déroute de son armée.

Rien de cela ne s'est donc passé. Et, une fois de plus, comme en
Afghanistan, comme en Irak, les analyses informées des experts relayées
par nos va-t-en-guerre se révèlent entièrement fausses,
tout comme les évaluations fournies par les services de
renseignements. La fuite soudaine à Londres de Moussa Koussa, bras droit
historique de Kadhafi, devait être le signal de défections en
cascade des plus hauts responsables du régime. Rien de tel ne  s'est produit .

Kadhafi peut ainsi parader à Tripoli. Sa télévision diffuser des
images de manifestants en liesse applaudissant le guide. Le dictateur
reçoit le président sud-africain Jacob Zuma. Négocie avec
des émissaires de l'Union africaine. Joue aux échecs avec Kirzan
Illiumjinov, ancien dictateur aux petits pieds d'une province russe (la
Kalmoukie) et président de la Fide (Fédération
internationale d'échecs). Et le colonel affirme sur tous les tons
qu'il n'est pas question pour lui « de quitter son pays » alors qu'il est le « plus grand résistant
à l'impérialisme occidental ».


Libye : les leçons d’une guerre imbécile Saifal
Saïf al-Islam Kadhafi.

Et si ce n'est lui, c'est donc son fils. Saïf al-Islam Kadhafi a ainsi pu, dans un entretien à Corriere della Serra, ce jeudi,
proposer l'organisation d'« élections libres dans les trois mois » et en présence d'observateurs internationaux, ajoutant au passage :« Je
ne doute pas un seul
instant que l'écrasante majorité des Libyens soutient mon père et
considère les rebelles comme des islamistes fanatiques et
fondamentalistes, des terroristes soutenus par des étrangers, des
mercenaires à la solde de Sarkozy.»


3. Le sur-place politique
 
Libye : les leçons d’une guerre imbécile Zumaka
Le président sud-africain Zuma et Kadhafi, le 31 mai à Tripoli.

Dans une note récente, le très classique Institut international d'études stratégiques (IISS, site internet ici et note ici)
dresse un sombre bilan des initiatives
politiques qui ont accompagné la guerre. D'abord en notant que
plusieurs pays (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, rejoints ensuite
par la Russie) font du départ de Kadhafi, par ailleurs sous la
menace d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale, un
préalable non négociable. Ce que ne dit pas la résolution 1973 du
conseil de sécurité (il n'est question que de
« protection des populations civiles », pas de changement
de régime) et ce qui ne laisse guère de marge de manœuvre. Le
cessez-le-feu proposé fin mars par Kadhafi s'est vite
révélé une supercherie, tout comme un plan de transition un temps
évoqué et qui ne visait qu'à consolider le maintien au pouvoir de ses  fils.
« Toutes les négociations politiques avec le régime pour persuader Kadhafi de quitter le pouvoir ont échoué »,
rappelle l'IISS, celles engagées par l'Union africaine, comme
celles conduites par l'envoyé spécial des Nations unies, sans
compter de nombreux contacts plus informels qui auraient repris ces
derniers jours. Par ailleurs, un accord pourrait-il être obtenu
avec le régime de Tripoli qu'il serait rejeté par les rebelles qui
excluent, à ce stade, toute négociation ou partage futur du pouvoir.

Dans un rapport solidement documenté (il est à télécharger ici), le centre d'études International Crisis
Group (site internet ici) rappelle que la résolution 1973 demande un cessez-le-feu immédiat. Mais l'ICG fait le même constat :
les gouvernements les plus impliqués dans la guerre n'en veulent pas. Or, estime-t-il, « il est temps d'engager des négociations directes entre le Conseil national de transition (les
rebelles - ndlr) et le régime de Kadhafi »
pour mettre fin à ce qui est « d'ores et déjà devenu une guerre civile ».

4. L'impasse militaire
 
Bombardement le 19 mai.

Ce blocage politique ne serait rien si la guerre se déroulait comme prévu. Or, selon des responsables britanniques cités par le journal The Guardian, « plus personne désormais n'envisage une victoire
militaire »
. Cette déclaration « off » fait écho à de nombreuses autres, en Allemagne, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. « En
l'état, il n'y a pas de raison de
croire en une victoire de l'une ou l'autre partie dans un horizon
proche (...) La résistance du régime Kadhafi a été sous-estimée, nous
sommes dans une impasse militaire »,
résume
International Crisis Group.
Signe le plus évident : le mandat de l'Otan, qui a pris les
commandes de l'opération militaire dès les premiers jours de guerre
(malgré l'opposition de Nicolas Sarkozy), s'achevait
initialement fin juin. Il a été prolongé de 90 jours, jusqu'à la
fin septembre.

A la date du 17 juin, l'Otan a lancé 11.387 raids aériens sur la
Libye, dont 4.307 destinés à des bombardements ou tirs de missiles. Les
cibles sont les plus diverses : bâtiments, centres
de commandements (100 ont été touchés), dépôts de munitions (700
frappés), chars, véhicules blindés, transports de troupes,
lance-roquettes et batteries anti-aériennes (500). « Nous
avons frappé ou détruit environ 1.800 cibles »,
annonçait fièrement début juin, le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen.
 
Libye : les leçons d’une guerre imbécile Batterie
Destructions à Benghazi.© Thomas Cantaloube

Les 150 sorties aériennes organisées en moyenne chaque jour (lire ici les communiqués
quotidiens
de l'Otan) n'ont qu'un impact limité sur l'armée de Kadhafi. Selon l'IISS, « l'Otan revendique avoir détruit plus d'un tiers des capacités militaires du régime
mais les forces de Kadhafi se sont rapidement adaptées » 
: pick-up, petites unités mobiles, armement léger, présence dans les villes et au milieu des populations civiles rendent
leur identification difficile et les interventions beaucoup plus complexes.

La présence massive de mercenaires à la solde de Tripoli,
largement mise en avant par les membres de l'Otan, semble faire partie
des éléments de désinformation soigneusement distillés (tout
comme cette rumeur de distribution de Viagra aux soldats du
régime !). Selon une mission du CF2R (Centre français de recherche sur le
renseignement
) et du Ciret-Avt (lire sous l'onglet « Prolonger ») qui vient de publier un rapport de mission en Libye (à télécharger ici), «les
effectifs des combattants étrangers sont difficiles à évaluer. Les
chiffres qui
circulent sont gonflés (jusqu'à 6.000, selon certaines sources).
Quel que soit leur nombre, ils ne constituent qu'une faible partie des
forces libyennes»
.

A ce stade, l'impasse militaire semble totale, le pays étant de
fait coupé en deux et les forces rebelles ayant échoué à occuper
durablement de nouveaux territoires, en particulier dans
l'ouest. Alors que la résolution 1973 exclut tout déploiement de
troupes au sol, plusieurs centaines d'instructeurs ont été envoyés à
Benghazi par la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, l'Italie,
la France et la Jordanie. « L'expérience en Afghanistan montre qu'il faudra des mois pour que les rebelles de l'est du pays améliorent leurs capacités », note l'IISS.

Si tous les experts pointent la désorganisation complète des
forces rebelles, beaucoup s'inquiètent des risques d'escalade
incontrôlée pour briser un statu quo qui joue clairement en défaveur
de l'Otan. « Plus la guerre va durer, note l'IISS, plus
les risques se multiplient de bavures et de pertes civiles importantes.
Le risque est aussi celui d'une radicalisation
du régime et des rebelles qui pourraient perpétrer des crimes de
guerre. Les combats pourraient déborder en Tunisie (...) La fuite de
près d'un million de personnes provoque des problèmes
grandissants
» (lire notre précédente enquête).

5. L'Otan, la machine à perdre

Ces trois mois d'échecs militaires sont en train de provoquer de
sérieux craquements au sein de l'Otan. La vieille Alliance atlantique a
déjà à son actif dix années de défaites successives en
Afghanistan. Et la voilà une fois de plus en panne !

L'homme qui vient de dresser ce constat est l'Américain Robert
Gates. Cet ancien patron de la CIA, ministre de la défense de George
Bush puis de Barack Obama, conservateur et vieux routier de
la guerre froide, part à la retraite et peut donc parler franc. Il
l'a fait devant une batterie d'experts réunis à Bruxelles, la semaine
dernière (ici un article du New York Times).

 


Libye : les leçons d’une guerre imbécile 11gates2-articleLarge
Robert Gates.© (Reuters)

Qu'a dit Gates, qui était personnellement opposé à cette guerre ? Que les Etats-Unis, qui se contentent d'une « place à l'arrière»
dans ce conflit, comme l'a dit Obama,
sont épuisés par dix années de guerre et ne peuvent plus assurer 75%
des dépenses de l'Otan. Que les Européens ne peuvent faire financer
leur défense par le contribuable américain. Que la Libye
est une illustration supplémentaire de l'incapacité de cette
organisation militaire.
Exemple: ce fameux « central command » de l'Otan en Italie, à Naples (site internet ici),

conçu pour gérer plus de 300 sorties aériennes quotidiennes et qui
peine à en organiser 150 ! Exemple : le manque de munitions qui menace
déjà la coalition ! Exemple : cet
avertissement du premier responsable de la marine britannique (à lire
ici)
, expliquant qu'il n'a pas les moyens de
poursuivre les opérations au-delà du mois de septembre. Exemple: le
déploiement de seulement 16 hélicoptères d'attaque (4 britanniques
et 12 français). Exemple: l'incapacité des Européens à assurer
sans les Etats-Unis leurs communications et leurs renseignements.

Résumé par Robert Gates, cela donne cela : « La plus brillante
alliance militaire de toute l'histoire est en opération depuis
seulement onze semaines contre un régime pauvrement
armé et déjà, des alliés, à court de munitions, demandent une fois
de plus aux Etats-Unis de faire la différence. »
 

Car la grande coalition, triomphalement annoncée par Nicolas
Sarkozy au mois de mars, s'est réduite comme peau de chagrin. Si
dix-huit pays participent officiellement à la campagne militaire,
la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis supportent
l'essentiel de l'effort de guerre. Et plus de la moitié des membres de
l'Otan n'apportent aucune contribution. Quant aux pays arabes,
que la France se faisait fort de mobiliser, ils se limitent à la
Jordanie, au Qatar et aux Emirats arabes unis qui se contentent de
missions de logistique et de surveillance.

6. Une opposition libyenne en pointillé

Les trois mois de guerre auront au moins permis d'en apprendre un
peu plus sur les rebelles et sur ce fameux Conseil national de
transition, dont BHL s'est autoproclamé le porte-voix, jusqu'à
commettre une énorme gaffe en Israël (lire le
détail ici
). Or les indications encore parcellaires
laissent apparaître une opposition éclatée où les démocrates sont
largement minoritaires.
 
Libye : les leçons d’une guerre imbécile Former-libyan-just-minister-mustafa-abdel-jalil
Mustapha Abdul Jalil.

International Crisis Group a mené une longue enquête sur ce
conseil, dont une partie des 33 membres demeurent d'ailleurs encore
inconnus (pour des raisons de sécurité, officiellement). On y
trouve, outre des démocrates liés à des mouvements d'opposition en
exil ou à des associations internationales de défense des droits de
l'homme, quelques hauts dignitaires du régime Kadhafi ayant
fait défection à partir de février.
Ainsi du président du conseil national de transition, Mustapha
Abdul Jalil. Proche du fils Kadhafi, Saif al-Islam, il est surtout connu
pour avoir été le juge qui a confirmé, à deux reprises,
la condamnation à la peine de mort des infirmières bulgares. Nommé
ministre de la justice en 2007, il a fait défection le 21 février.
Mahmoud Jibril, aujourd'hui en charge de l'équivalent du
gouvernement provisoire du Conseil, était lui aussi un proche du
fils Kadhafi promu en 2007 mais considéré, il est vrai, comme un  « réformiste ».

Pas franchement « réformiste », on retrouve également dans ce
conseil Abdul Fatah Younis al-Obeidi, vieux compagnon de Kadhafi et
créateur de ses forces spéciales ainsi qu'ancien
ministre de l'intérieur. C'est lui qui a pris le commandement des
forces rebelles. Que faut-il penser de ce conseil de transition?
International Crisis Group note son caractère transitoire et
la présence de « technocrates » qui, « sur le tard, pour beaucoup d'entre eux, se sont fait les avocats de réformes ».

Pour le CF2R, beaucoup plus critique, «le CNT est une
coalition disparate aux intérêts divergents. Les véritables démocrates
n'y sont qu'une minorité, quasiment otages des tenants d'un
retour à la monarchie ou de l'instauration d'un islam radical et
de nouveaux convertis de l'ancien régime (...) Le CNT n'offre en
conséquence aucune garantie. La Libye est le seul pays du
“printemps arabe” dans lequel la guerre civile est installée
avec un risque réel de partitionet où le risque islamiste s'accroît».
 
5. L'Otan, la machine à perdre

Ces trois mois d'échecs militaires sont en train de provoquer de
sérieux craquements au sein de l'Otan. La vieille Alliance atlantique a
déjà à son actif dix années de défaites successives en
Afghanistan. Et la voilà une fois de plus en panne !

L'homme qui vient de dresser ce constat est l'Américain Robert
Gates. Cet ancien patron de la CIA, ministre de la défense de George
Bush puis de Barack Obama, conservateur et vieux routier de
la guerre froide, part à la retraite et peut donc parler franc. Il
l'a fait devant une batterie d'experts réunis à Bruxelles, la semaine
dernière (ici un article du New York Times).

 


Libye : les leçons d’une guerre imbécile 11gates2-articleLarge

Robert Gates.© (Reuters)



Qu'a dit Gates, qui était personnellement opposé à cette guerre ? Que les Etats-Unis, qui se contentent d'une « place à l'arrière»
dans ce conflit, comme l'a dit Obama,
sont épuisés par dix années de guerre et ne peuvent plus assurer 75%
des dépenses de l'Otan. Que les Européens ne peuvent faire financer
leur défense par le contribuable américain. Que la Libye
est une illustration supplémentaire de l'incapacité de cette
organisation militaire.
Exemple: ce fameux « central command » de l'Otan en Italie, à Naples (site internet ici),

conçu pour gérer plus de 300 sorties aériennes quotidiennes et qui
peine à en organiser 150 ! Exemple : le manque de munitions qui menace
déjà la coalition ! Exemple : cet
avertissement du premier responsable de la marine britannique (à lire
ici)
, expliquant qu'il n'a pas les moyens de
poursuivre les opérations au-delà du mois de septembre. Exemple: le
déploiement de seulement 16 hélicoptères d'attaque (4 britanniques
et 12 français). Exemple: l'incapacité des Européens à assurer
sans les Etats-Unis leurs communications et leurs renseignements.

Résumé par Robert Gates, cela donne cela : « La plus brillante
alliance militaire de toute l'histoire est en opération depuis
seulement onze semaines contre un régime pauvrement
armé et déjà, des alliés, à court de munitions, demandent une fois
de plus aux Etats-Unis de faire la différence. »
 

Car la grande coalition, triomphalement annoncée par Nicolas
Sarkozy au mois de mars, s'est réduite comme peau de chagrin. Si
dix-huit pays participent officiellement à la campagne militaire,
la Grande-Bretagne, la France et les Etats-Unis supportent
l'essentiel de l'effort de guerre. Et plus de la moitié des membres de
l'Otan n'apportent aucune contribution. Quant aux pays arabes,
que la France se faisait fort de mobiliser, ils se limitent à la
Jordanie, au Qatar et aux Emirats arabes unis qui se contentent de
missions de logistique et de surveillance.

6. Une opposition libyenne en pointillé

Les trois mois de guerre auront au moins permis d'en apprendre un
peu plus sur les rebelles et sur ce fameux Conseil national de
transition, dont BHL s'est autoproclamé le porte-voix, jusqu'à
commettre une énorme gaffe en Israël (lire le
détail ici
). Or les indications encore parcellaires
laissent apparaître une opposition éclatée où les démocrates sont
largement minoritaires.

 


Libye : les leçons d’une guerre imbécile Former-libyan-just-minister-mustafa-abdel-jalil

Mustapha Abdul Jalil.

International Crisis Group a mené une longue enquête sur ce
conseil, dont une partie des 33 membres demeurent d'ailleurs encore
inconnus (pour des raisons de sécurité, officiellement). On y
trouve, outre des démocrates liés à des mouvements d'opposition en
exil ou à des associations internationales de défense des droits de
l'homme, quelques hauts dignitaires du régime Kadhafi ayant
fait défection à partir de février.
Ainsi du président du conseil national de transition, Mustapha
Abdul Jalil. Proche du fils Kadhafi, Saif al-Islam, il est surtout connu
pour avoir été le juge qui a confirmé, à deux reprises,
la condamnation à la peine de mort des infirmières bulgares. Nommé
ministre de la justice en 2007, il a fait défection le 21 février.
Mahmoud Jibril, aujourd'hui en charge de l'équivalent du
gouvernement provisoire du Conseil, était lui aussi un proche du
fils Kadhafi promu en 2007 mais considéré, il est vrai, comme un
« réformiste ».

Pas franchement « réformiste », on retrouve également dans ce
conseil Abdul Fatah Younis al-Obeidi, vieux compagnon de Kadhafi et
créateur de ses forces spéciales ainsi qu'ancien
ministre de l'intérieur. C'est lui qui a pris le commandement des
forces rebelles. Que faut-il penser de ce conseil de transition?
International Crisis Group note son caractère transitoire et
la présence de « technocrates » qui, « sur le tard, pour beaucoup d'entre eux, se sont fait les avocats de réformes ».

Pour le CF2R, beaucoup plus critique, «le CNT est une
coalition disparate aux intérêts divergents. Les véritables démocrates
n'y sont qu'une minorité, quasiment otages des tenants d'un
retour à la monarchie ou de l'instauration d'un islam radical et
de nouveaux convertis de l'ancien régime (...) Le CNT n'offre en
conséquence aucune garantie. La Libye est le seul pays du
“printemps arabe” dans lequel la guerre civile est installée
avec un risque réel de partitionet où le risque islamiste s'accroît».
 
9. « Libye : la pensée arrêtée », par Claude Lanzmann
 
Libye : les leçons d’une guerre imbécile Lanzm
Claude Lanzmann.

Loin de l'unanimisme des principaux médias et d'un milieu
intellectuel emmené par BHL, c'est justement l'un de ses amis, Claude
Lanzmann, qui se pend à la sonnette d'alarme. Le directeur de
la revue Les Temps modernes s'était déjà écarté de la doxa avec une tribune publiée dans Le Monde du 17 avril, et titrée « Libye, rétheurs et décideurs ».
Cela lui avait valu les foudres béhachéliennes et une brouille qui dure toujours.
Claude Lanzmann y revient dans le numéro de mai-juillet des Temps modernes à l'occasion d'un excellent dossier sur les soulèvements arabes. Par un court texte titré « Libye,
la pensée arrêtée »,
l'auteur du Lièvre de Patagonie (notre entretien sur ce livre), dit l'ampleur
de ses doutes :

« L'unanimité fut écrasante, l'intervention militaire non
discutée et toute pensée dissonante, tout questionnement sur les raisons
et les buts d'une guerre qui taisait son nom ont
semblé inconvenants »,
déplore-t-il.
 
Libye : les leçons d’une guerre imbécile Lestemps

« On ne sait rien ou très peu du “gouvernement” de
Benghazi, sinon qu'il est constitué de gens proches de Kadhafi pendant
des décennies. Ce qui se passe en Libye n'est-il pas au
fond une guerre civile, qui autorise toutes les simplifications et
les amplifications rhétoriques ? Kadhafi devait être écrasé en quelques
jours sous la fessée des frappes. Il tient bon pour
l'instant, malgré de très durs bombardements, une partie de la
population le soutient, lui garde sa confiance. C'est, dira-t-on, le
propre des dictatures. Mais il y a sûrement autre chose :
la population libyenne ne souffrait pas de la même misère que ses
voisins égyptiens et tunisiens, le fantasque dictateur n'était pas
toujours aussi fantoche qu'on le prétendait. Même corrompu, il
laissait à son peuple quelque profit de la rente pétrolière,
l'essence et l'électricité étaient quasiment gratuites. La Libye a
quitté la une des journaux, quelquefois n'y figure plus du tout, il
est question d'enlisement et de négociations. Nous espérons avoir la
possibilité d'en dire plus dans un prochain numéro des TM. »


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