On a essayé dans un précédent article, l’essor des idoles, publié dans La Presse du 4 juin d’esquisser ce qui constitue la trame fondamentale de la conception de la foi dans nos pays.
Analysons à présent ce qui constitue le dénominateur commun des caractéristiques des deux vecteurs de la foi. En d’autres termes, ramenons les aspects élucidés à leur principe premier.
La conception des rapports avec le divin et des rapports avec le monde est marquée par la défection de la disposition à la métaphysique. Une conjonction entre le visible et l’invisible est foncièrement ancrée dans la manière de penser. De sorte que le visible ne peut être pensé qu’en tant qu’incarnation de l’invisible, et l’invisible ne peut se concevoir qu’à travers le visible. D’une part, le rapport avec le monde ne peut se concevoir qu’en tant que parfaite soumission et conformité avec la volonté ultime de l’invisible. D’autre part, le rapport avec l’invisible divin ne peut avoir place qu’à travers le visible qui consiste au rituel.
Et dans l’une et l’autre des situations, c’est l’être pensant qui est neutralisé, écarté. C’est la négation de la conscience humaine, seul foyer possible de la foi. L’intellect humain se trouve indisposé à la métaphysique, incapable de concevoir un Dieu transcendant. Un échec de l’être à s’approprier, à intérioriser l’idée de Dieu. L’être humain est dépossédé de l’idée de son Dieu. Il ne lui est pas reconnu d’établir une connexion idéale avec l’au-delà. Une connexion non dans le sens de communication directe mais dans le sens d’une jonction s’inscrivant dans une quête spirituelle intérieure continue et un effort sur soi pour l’inspiration de l’au-delà. Et de là l’acquisition d’une légitimité de la création et de changement au nom de la possibilité reconnue de connexion.
Du moment, cette manière d’appréhender la religion nous rappelle les religions des communautés humaines primitives (antérieures aux religions monothéistes de la Révélation) au sein desquelles la croyance à la divinité se confond avec l’adhésion aux traditions de la communauté, à la participation aux rituels religieux et à la parfaite soumission à l’ordre établi. Ces religions sont marquées par l’incarnation de Dieu dans l’ordre naturel et social établis. D’où la nécessité de représenter les dieux, la nécessité des idoles parce que ces communautés primitives ne peuvent croire à l’invisible dans ses deux vecteurs : le dieu non incarné et la conscience subjective espace du penser.
Ne serions- nous pas tentés de poser aujourd’hui le questionnement choquant suivant : l’essor actuel du discours religieux et la multiplication de ses fidèles adeptes adhérents à une pratique rituelle massive et fervents convaincus des règles immuables de la charia, ne cache t-il pas en réalité une régression dans la conception de la foi et de la croyance.
Ne serait-il pas un retour à l’idolâtrie ?
Walid CHERIF