Le Vatican fait plier Benetton
Nicolas Sarkozy embrassant Angela Merkel... Ce photomontage est l'un des
plus marquants de la campagne "Unhate" lancée par Benetton.
La campagne montrant des chefs d’Etat s’embrassant sur la bouche
sera amputée du photomontage avec le pape. Près de vingt ans après avoir fait scandale en affichant à des
fins de publicité une nonne et un curé s’embrassant sur la bouche,
Benetton nous refait le coup du baiser. Dans le cadre de sa campagne
Unhate, la marque italienne, anciennement habituée à créer l’événement
avec ses campagnes publicitaires, mais prise dans une douce torpeur
depuis plusieurs années, a dévoilé mardi sa nouvelle campagne
d’affichage, pour le moins sulfureuse. On y voit des chefs d’Etats ou
des leaders religieux ennemis échangeant un baiser sur la bouche. Avec
ce simple mot : "Unhate", néologisme que l’on pourrait traduire par
"dés-haïr" ou "dé-détester".
Colère du VaticanLa campagne a déjà provoqué l'ire du Vatican qui y voit
"un grave manque de respect au pape".
Résultat : Benetton a annoncé dans la foulée le retrait du photomontage
mettant en scène le pape Benoit XVIavec un imam. Dans un communiqué
diffusé mercredi soir, la firme s'est dite "désolée que l'utilisation de
l'image ait heurté ainsi la sensibilité des fidèles" et a annoncé le
"retrait immédiat de l'image de toute publication". "Nous
rappelons que le sens de cette campagne est exclusivement de combattre
la culture de la haine sous toutes ses formes", a indiqué dans un
communiqué un porte-parole du groupe.
Affichage sauvage à Rome et Tel AvivParmi ces couples improbables, l’Américain Barack Obama flirte avec Hu
Jintao, Nicolas Sarkozy avec sa meilleure ennemie Angela Merkel, les
présidents-ennemis des deux Corées semblent réconciliés, comme Barack
Obama, encore lui, avec le président vénézuélien Hugo Chavez… Les
photomontages, réalisés par La Fabrica, le centre de recherche en
communication de Benetton, promettent de faire leur effet.
D’autant que la divulgation des affiches s’est
accompagnée d’un affichage sauvage dans plusieurs villes du monde. La
photo du pape Benoît XVI embrassant l’imam du Caire Mohamed Ahmed
al-Tayeb, considéré comme le leader de l’islam sunnite, a ainsi été affichée sur le pont Sant Angelo à Rome.
A quelques mètres seulement du Vatican. Celle des dirigeants israélien
et palestinien Mahmoud Abbas et Benjamin Netanyahou a elle été affichée à Tel Aviv.
Faut-il voir dans cette campagne d’affichage et
multimédia un retour à la glorieuse mais controversée période Oliviero
Toscani, photographe auteur des clichés les plus célèbres et provocants
de la marque ? "Pas vraiment", répond dans
Le Figaro Madame Alessandro Benetton, vice-président exécutif du groupe et deuxième fils
de Luciano, l’un des fondateurs. "L’inspiration vient du baiser
fraternel qu’ont échangé en leur temps Brejnev et Honecker. L’idée n’est
pas de choquer mais si possible d’être créatif, constructif et positif."
"Apprendre à ne plus haïr"Parallèlement à cette campagne publicitaire, le groupe a lancé la Fondation Unhate, appuyée par un site (http://unhate.benetton.com),
sur lequel les internautes peuvent faire s’embrasser les personnes de
leur choix sur le "kiss wall". Les réseaux sociaux, en particulier Facebook et
Twitter, sont également sollicités pour faire vivre la campagne. Enfin,
un clip, réalisé par le réalisateur français Laurent Chanez, a
également été dévoilé. "L’amour global qui gérerait tous les rapports
humains, professionnels, diplomatiques, commerciaux… est une utopie. (…)
Ici, il n’est pas question d’aimer mais d’apprendre à ne plus haïr",
résume Alessandro Benetton.
Pour autant, la quête d’un monde
meilleur n’est pas la seule motivation que cache la campagne Unhate.
Même si la marque italienne reste bénéficiaire, 102 millions d’euros en
2010 ( -16% en un an), les années fastes, dans la décennie 90, semblent
loin. Le groupe subit la hausse des matières premières, laine et coton,
mais aussi la concurrence de plus en plus vive des nouveaux venus Zara,
Sandro et autre Maje. Plus questions donc de s’endormir sur ses
lauriers. Et les dirigeants parient que, comme dans les contes de fées,
le réveil se fera grâce à des baisers. Aussi provocateurs soient-ils.