Abderrazak Lejri*
écrit
– La coexistence pacifique entre les communautés – favorisée par les
mariages mixtes – est garantie tant que des esprits maléfiques
n’instrumentalisent pas les différences ethniques.
Le Rwanda est à l’instar de la Tunisie un des rares pays d’Afrique où
a toujours prévalu un fort concept de la nation, forgé bien avant la
colonisation européenne puisque, contrairement aux autres pays
subsahariens où il n’y a de langue officielle que le français, à part
bien sûr de nombreux dialectes, il dispose d’une véritable langue
nationale le «kinyarwanda», parlé par les trois ethnies
(Hutus, Tutsis et Twas).
La leçon du génocide Rwandais
Personne ne nie les
différences des attributs physiques entre les Tutsis (moins de 20% de
la population), éleveurs grands de taille, par rapport aux Hutus
paysans-cultivateurs (80%) et les Twas, pygmées chasseurs cueilleurs
(-1%)), même si, grâce aux mariages mixtes, le qualificatif était
davantage attaché à la fonction et à des alliances dans le groupe, les
antagonismes ayant été accentués par le schéma racial introduit par le
colonisateur belge.
Ces populations vivaient en paix jusqu’à la
veille de l’indépendance de ce minuscule beau pays à une des plus fortes
densités du monde et partageaient la même langue et culture.
Les problèmes ont émergé à l’occasion de l’instrumentalisation de l’ethnisme
par le colonisateur belge bien avant la passation du pouvoir soustrait à
la puissante monarchie d’un royaume gouverné par les Tutsi (jugés trop
anticolonialistes) en faveur de la majorité Hutu, une fois la république
instaurée en 1962.
Cela avait provoqué l’exode de 200.000 Tutsis
après des massacres généralisés relayé par des exactions du nouveau
pouvoir qui a poussé à l’exil les Tutsi et engagé des campagnes
scolaires anti-Tutsi.
La crise a connu son paroxysme quand le pouvoir
raciste du dictateur Habyarimana a commencé à pointer la minorité
tutsie en instrumentalisant le média Radio mille collines, qui a appelé
au lynchage et à l’extermination systématique des «cafards» tutsis.
D’ailleurs,en 1989, des ingénieurs tunisiens en charge de l’automatisation de la
Caisse sociale du Rwanda (Ccr) ont été étonnés qu’on leur demande de
faire figurer l’ethnie dans la base de données informatique et sur le
badge de chaque assuré social, attribut dont la mention est prohibée
depuis les évènements douloureux de 1994.
Le mérite de Paul Kagamé,
l’actuel président du Rwanda, chef exilé du Front patriotique rwandais
(Fpr) de retour d’Ouganda – bien que contesté pour son autoritarisme –
est d’avoir fait de la reconstruction, du développement économique
soutenu (avec un taux de croissance supérieur à 7%, le Rwanda pays
enclavé se veut le dragon de l’Afrique de l’est) et de l’éradication de
la pauvreté, le fondement de sa politique sans laquelle la
réconciliation nationale ne peut être qu’un vœu pieux!
Traiter le symptôme ne guérit pas le mal !
Les échauffourées davantage intracommunautaires qu’intercommunautaires sont
cycliques dans les villes minières caractérisées par une forte densité
de population ouvrière.
Cependant, la barbarie inhabituelle qui a
caractérisé les dernières rixes sanglantes est davantage due à la
désespérance d’une jeunesse réceptive à souhait au discours haineux qu’à l’ethnisme.
Les évènements tragiques de Metlaoui n’appellent pas une
solution sécuritaire, la compassion du reste de la population ou
l’organisation récurrente des groupes de réflexion et commissions
élargis aux représentants de la région.
En cas de déflagration,
doit-on mettre en cause celui qui a allumé la mèche ou celui qui a
favorisé l’existence de la poudrière – dont les pires conditions
socioéconomiques explosives représentaient le terreau fertile?
Les appels à la concorde entre les «aroush» (clans) et autres caravanes de
compassion ne représentent qu’un baume apaisant superficiel sur une
plaie profonde.
La solution de fond et la parade définitive – au-delà
des discours auxquels personne ne croit plus – résident dans une
politique volontaire de développement solidaire urgente (en dehors du
processus bureaucratique de montage des projets que l’administration
tunisienne est incapable de réaliser).
A moyen terme, des réformes
profondes doivent garantir, outre un minimum d’équité sociale en termes
d’emploi, des équipements publics et des services collectifs permettant
de favoriser des conditions minimales de vie décente.
Et, bien entendu, on doit décider de l’abrogation immédiate de la procédure de
recrutement par quota ethnique qui est une aberration en matière de
gestion des ressources humaines.
Source : Blog de Abderrazak Lejri
Lire aussi : [ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذه الصورة]Tunisie. Les violences de Métlaoui:
[ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذا الرابط]* L’auteur, natif de Gafsa, a été ingénieur stagiaire en 1972 à
la Cpg. Opérant au Rwanda, il est membre d’Action et Développement
Solidaire (Ads), une association agissant pour la conception d’un
programme de gouvernance crédible et ambitieuse basé sur un
développement solidaire tant au niveau régional que social ou
trans-générationnel.