« Les guerres humanitaires sont bonnes pour les affaires »...
Les spéculateurs applaudissent...
par Michel ChossudovskyL'article original a été rédigé en anglais le 16 mars 2011.
La mise en place d’une zone d’exclusion aérienne est sur la planche à
dessin du Pentagone. L’Arabie Saoudite et les États du Golfe, appuyés
par la Ligue arabe et l’Organisation de l'unité africaine (OUA), ont
étiqueté la Libye comme étant « un pays inamical ».
Le scénario envisagé par Washington est d’impliquer l’Arabie Saoudite et
les États du Golfe dans des attaques aériennes contre la Libye.On a également demandé à l’Arabie Saoudite de fournir des armes aux forces de l’opposition.
Des reportages confirment que des forces spéciales et des conseillers
militaires de l’OTAN sont sur le terrain dans l’est de la Libye, auprès des rebelles.
Une intervention militaire menée par les États-Unis et l’OTAN contre la
Libye comporte des implications géopolitiques et économiques considérables.
Détenant environ 3,5 % des réserves mondiales de pétrole, soit plus du double de
celles des États-Unis, la Libye figure parmi les plus importantes
économies pétrolières du monde.
Une guerre contre la Libye aurait des répercussions immédiates sur le prix
du pétrole brut. Ce dernier a augmenté de 18 % depuis le début de
l’insurrection en Libye.
Le prix du brut se situe à 104,42 dollars le baril sur le New York
Mercantile Exchange pour la livraison d’avril, son plus haut niveau
depuis le krach financier de septembre 2008. Depuis août 2010 le prix du
brut est passé de 75,93 à 104,42 dollars le baril (mars 2011), une
hausse substantielle de 37,5 % (Voir le tableau ci-dessous)
Pétrole brut – Prix mensuel – Prix des denrées
| |
Mois | Valeur | |
Août-10 | 75.93 | |
Sep-10 | 76.14 | |
Oct-10 | 81.72 | |
Nov-10 | 84.56 | |
Déc-10 | 90.1 | |
Jan-11 | 92.66 | |
Mars 2011 Prix pour livraison en avril 104. 42 | | |
Source indexmundi.com.
Crude Oil (petroleum) - Monthly Price - Commodity Prices Une guerre contre la Libye ferait monter le prix du pétrole brut à des
niveaux extrêmement élevés et pourrait déclancher une spirale
inflationniste entraînant l’appauvrissement de larges segments de la
population mondiale.
Une augmentation considérable du prix du pétrole sur une période prolongée
serait dévastatrice sur le plan économique : les coûts de transport et
de production augmenteraient de manière dramatique. La hausse des prix
de l’essence et de l’énergie entraînerait une nouvelle série de
faillites dans d’importants secteurs de l’activité économique. Cela
contribuerait par ailleurs à une hausse impressionnante de la dette
extérieure des pays en développement.Ces hausses de prix, déjà en cours, se produiraient malgré
le coût extraordinairement bas du pétrole du Moyen-Orient.
Cela signifie que de puissants spéculateurs institutionnels de Wall Street
ayant des liens avec l’establishment de l’armée et du renseignement des
États-Unis encaisseront des milliards de dollars en gains spéculatifs,
non seulement sur le marché du pétrole, mais aussi sur les marchés des
denrées et des devises.
Cet argent est tiré des ménages qui doivent maintenant payer le pétrole à un prix supérieur.
Une « guerre humanitaire » serait « bonne pour les affaires ». Elle sert
les intérêts des spéculateurs institutionnels et contribue à faire
avancer un processus d’appropriation de la richesse financière.Les institutions financières qui étaient informés à l’avance des événements
en Égypte et en Lybie ont déjà fait des milliards de dollars en gains
spéculatifs sur les marchés des contrats à terme et des options pour le
pétrole brut.
Ces institutions financières et bancaires mondiales, qui ont « fait leurs
jeux » il y a plusieurs mois, ont « un intérêt particulier dans la
guerre ». Plus le marché du pétrole brut est volatil, plus les gains
spéculatifs sont élevés. Les gains spéculatifs à court terme dus à la
volatilité des marchés font également partie de ce processus. Le fait
d’être informé à l’avance de la succession d’événements politiques ou
militaires et de la façon dont ceux-ci affectent les marchés, ainsi que
le contrôle et la manipulation des nouvelles financières relativement à
ces événements sont un élément essentiel du processus de gageure.
À cet égard, nous traitons du fonctionnement des bourses de marchandises
mondiales, dont la plus importante est CME Group, créée à la suite de la
fusion du Chicago Mercantile Exchange(CME), du Chicago Board of Trade
(CBOT) et du New York Mercantile Exchange (NYMEX).
[Cliquer pour voir la déclaration du professeur Chossudovsky sur GRTV]
Rumeurs politiques et fausses informations
Répandre des rumeurs et de fausses informations se révèle aussi une entreprise
profitable, particulièrement en ce qui a trait aux fluctuations à court
terme des bourses de marchandises.
Une rumeur voulant que le dirigeant libyen longtemps en poste, Mouammar
Kadhafi, ait été abattu a fait plonger les bourses de marchandises,
faisant ainsi baisser les contrats à terme du pétrole brut de plus de
2 %. D’autres rumeurs ont eu des effets immédiats tout aussi
considérables, même sans que de réels changements aient eu lieu sur le
plan de la production ou des réserves de pétrole. Ceux qui spéculent sur
le pétrole en sont la cause, comme les fonds de couverture, lesquels
achètent et vendent des marchandises, et engrangent des profits en
misant sur les variations de prix à court terme.
Ces spéculateurs habituels font des gains sur des variations rapides en
pariant sur des rumeurs et des phénomènes erratiques du marché. Ils
achètent et revendent rapidement les marchandises qu’ils n’ont pas
l’intention de détenir ou d’utiliser. Leur opportunisme frappe une fois
encore les familles de la classe ouvrière à travers le pays en
augmentant le fardeau des petites entreprises et des agriculteurs [...]
(
Rep. Joe Courtney: Market Speculators and the Real Cost of Oil,
Huffington Post, 16 mars 2011)
Sanctions économiques
Des sanctions économiques ont été imposées à la Libye par les États-Unis,
ravageant ainsi l’approvisionnement de l’Union européenne en pétrole
libyen. Ces sanctions ciblent indirectement l’Union européenne : elles
contribuent à l’affaiblissement de l’Italie et de la France, grandement
dépendantes du pétrole de la Libye.
Le commerce du pétrole libyen a pratiquement été paralysé puisque les
banques refusent d’approuver les paiements en dollars en raison des
sanctions étasuniennes (Reuters, 8 février 2011) « Ce choix est venu à
la suite d’une décision prise par les grandes pétrolières étasuniennes
de mettre fin au commerce avec la Libye et rend l’achat de pétrole
libyen par les firmes européennes presque impossible, de même que
l’approvisionnement des raffineries dans des pays comme la France et l’Italie. »
[Wall Street et Washington] ont ordonné aux banques de geler les transactions
financières : « Les banques ne veulent pas financer le système en
Libye, donc pour le moment personne ne reçoit d’argent pour du pétrole.
Il y a de gros problèmes de paiements », a déclaré un principal
négociateur d’une compagnie pétrolière européenne.
« Ce n’est pas une question de choix, il y a un embargo sur les dollars
étasuniens qui entrent et sortent de la Libye », a affirmé le
négociateur d’une des entreprises en faisant référence à la résistance
des banques d’approuver les paiements en dollars US.
« Toutes les transactions en dollars US sont bloquées », a déclaré le
négociateur en ajoutant qu’il n’était pas clair à ce stade-ci s’il était
possible d’effectuer des paiements dans d’autres devises et si une
banque suisse ou européenne quelconque était prête à conclure des
transactions.
(Libyan oil trade paralysed, deals in dollars blocked | Energy & Oil | Reuters,
8 février 2011)
Les impacts économiques d’une opération militaire des États-Unis et de l’OTAN
Si cette opération militaire est mise en œuvre, les prix du pétrole vont
monter en flèche et contribuer à exacerber davantage la crise économique
et ses conséquences sociales dévastatrices, particulièrement dans
l’Union européenne, laquelle dépend grandement du pétrole libyen.
Les hausses de prix du pétrole favorisent la pauvreté accrue,
l’augmentation simultanée des prix mondiaux des aliments (lesquels font
aussi l’objet d’activités spéculatives sur les bourses de marchandises)
et plus généralement la hausse du coût de la vie dans le monde,
c’est-à-dire de l’indice des prix à la consommation.
Blé - Prix mensuel – Prix des produits de base | |
Mois | Valeur | |
Août-10 | 246.25 | |
Sep-10 | 271.69 | |
Oct-10 | 270.29 | |
Nov-10 | 274.37 | |
Déc-10 | 306.99 | |
Jan-11 | 326.54 | |
USD par tonne
Maïs - Prix mensuel – Prix des produits de base | |
Mois | Valeur | |
Août-10 | 175.6 | |
Sep-10 | 205.84 | |
Oct-10 | 235.7 | |
Nov-10 | 236.44 | |
Déc-10 | 251.02 | |
Jan-11 | 265.29 | |
| |
|
USD par tonne
Maïs U.S. No. 2 Yellow, FOB Gulf of Mexico, prix en USD par tonne
Blé, No.1 Hard Red Winter, ordinary protein, FOB Gulf of Mexico, prix en USD par tonne
Maïs - Prix mensuel – Prix des produits de baseBlé - Prix mensuel – Prix des produits de base Source indexmundi.com.
Les hausses de prix du pétrole auront en revanche un impact significatif
sur les coûts du transport, les marchandises internationales et les
voyages aériens. Au plus fort d’une crise économique, cela minera
davantage le commerce intérieur et extérieur.
Les intervenants économiques importants, incluant les politiciens et les
spéculateurs, savent et comprennent tout cela. Les politiciens suivent
les directives établies par Wall Street, qui, en grande partie, dicte la
politique financière gouvernementale.
La réglementation du prix des produits alimentaires de première nécessité
ou du prix de détail de l’essence est considérée comme un empiètement
dans le fonctionnement du « marché libre ».
Nous sommes face à un système économique corrompu
qui se nourrit de guerre et de destruction.
Le prix moyen de l’essence à la pompe aux États-Unis est de l’ordre de
3,80 dollars le gallon et excède les 4 dollars le gallon en Californie.
Les spéculateurs applaudissent! Les médias blâment simplement Kadhafi pour
la hausse de prix… « Les ménages coupent dans les voyages, le cinéma et
l’épicerie au Royaume-Uni, où les prix ont grimpé à 130,68 pence le
litre (8,06 dollars le gallon) le 3 mars [...] Les prix ont établi des
records dans les Pays-Bas et en Italie.
(
Record Gas Prices: $8 In Europe, $4 In California; Trichet Could Raise Interest Rates To Halt Inflation | Markets | Minyanville.com,
4 mars 2011)
Prix moyen de l’essence aux États-Unis (USD par gallon)