Les preuves se multiplient sur les atrocités
commises par les « rebelles » libyenspar Patrick Martin
Une série de reportages réalisés à Tripoli ont montré que les forces
appuyées par l'OTAN avaient commis un massacre dans la guerre civile
libyenne. Ces reportages, publiés dans des journaux largement en faveur
de l'intervention des États-Unis et de l'OTAN pour renverser le régime
de Mouammar Kadhafi, viennent une fois de plus exposer le mensonge que
la guerre impérialiste contre la Libye est motivée par des visées
humanitaires et la volonté de protéger les civils.
Le Washington Post a publié samedi un article
important intitulé, « Les meurtres par vengeance se multiplient en Libye
: la nouvelle liberté assombrie par les attaques extrajudiciaires
rebelles ». Ce titre fait référence à la contradiction qui existe entre
les assertions du Conseil national de transition (CNT), du nouveau
régime libyen soutenu par l'OTAN ainsi que de l'administration Obama que
la Libye a maintenant gagné sa liberté et la réalité d'un massacre
politique et, dans certains cas, racial.
Le journaliste du Post Simon Denyer a affirmé que les
troupes de Kadhafi « ont exécuté des dizaines ou même des centaines de
prisonniers politiques cette semaine, pendant même que les combattants
rebelles victorieux semblaient exercer leurs propres sévices ». Il cite
le témoignage de Diana Eltahawy, enquêteuse pour Amnistie internationale
en Libye, qui « décrit les mauvais traitements, la torture et le
meurtre extrajudiciaire de combattants pro-Kadhafi par les rebelles, au
fur et à mesure que ces derniers prenaient contrôle du pays d'est en ouest ».
Le journaliste lui-même a vu cinq soldats blessés et
mourant de Kadhafi dans un poste médical avancé maintenant patrouillé
par les « rebelles », laissés sans nourriture, ni eau, ni soins. Il a
aussi vu 15 cadavres, surtout d'Africains noirs et vraisemblablement
partisans de Kadhafi, laissés en décomposition au soleil devant la
caserne de Bab al-Azizia où demeurait une bonne partie de la famille de
Kadhafi. Selon Denyer, « certaines de ces morts ne semblaient pas être
survenues au champ de bataille. Deux hommes morts reposaient face contre
terre dans l'herbe, les mains attachées dans le dos au moyen de
menottes plastiques ».
Le service de nouvelles McClatchy a décrit la même
scène horrible : « Les cadavres étaient apparemment ceux de combattants
pro-Kadhafi, mais les victimes n'étaient pas tombées au combat.
Certaines avaient été abattues dans leur tente, possiblement endormies,
sans chaussures. Un homme avait été abattu dans une ambulance et un
autre dans un poste médical avancé, toujours branché à une perfusion
intraveineuse. D'autres avaient subi des blessures par balle derrière la
tête, laissant croire à des exécutions par les combattants rebelles. »
Patrick Cockburn de l’Independent britannique a
décrit la même scène dimanche, sous le titre, « Les rebelles se vengent
sur les hommes du dictateur ». Il a écrit : « Les corps en décomposition
de 30 hommes, presque tous noirs et plusieurs menottés, abattus tandis
qu’ils étaient étendus sur des civières et même dans une ambulance au
centre de Tripoli, offrent un avant-goût inquiétant de ce que sera
l'avenir de la Libye. Le nouveau régime fait des déclarations pieuses en
disant ne pas vouloir se venger sur les forces pro-Kadhafi, mais cela
ne va pas jusqu’à vouloir protéger ceux qui pourraient être qualifiés de
mercenaires. Tout Libyen ayant la peau noire accusé de combattre pour
l’ancien régime a une faible chance de survie ».
Amnistie internationale a confirmé que plusieurs des
centaines de milliers de travailleurs migrants de l'Afrique
subsaharienne ont été étiquetés « mercenaires » par les forces du CNT,
en vertu de leur couleur de peau, et ont été victimes d'emprisonnement,
de torture et d'exécutions sommaires.
Un témoignage à propos de sévices commis à l'endroit
des rebelles vient d'Alex Crawford de Sky News, un réseau de diffusion
britannique appartenant à Rupert Murdoch, qui a soutenu avec
enthousiasme les « rebelles ». Le correspondant a été intégré aux forces
anti-Kadhafi et à accompagné une unité qui a marché de Zawiya à
Tripoli. « Nous le rapportons comme nous le voyons », a-t-il dit. « Nous
avons vu des combattants de Kadhafi ligotés et exécutés. C'est la
guerre. C'est ce qui arrive. Les représailles des rebelles ici sont
vraiment troublantes. »
L'agence de nouvelles britannique Reuters a rapporté
la découverte de plusieurs charniers à Tripoli, prétendant qu'ils
étaient la preuve « d’exécutions sommaires répandues au cours de la
bataille pour la capitale libyenne ». Tout en attribuant le pire
massacre aux forces de Kadhafi, quelque 53 corps retrouvés dans un
entrepôt brûlé, le rapport de Reuters ajoute: « des meurtres de
sang-froid qui auraient été commis par les deux camps ont été signalés
au cours des derniers jours, assombrissant l'atmosphère dans une ville
où de nombreux résidents avaient salué la chute de Kadhafi avec joie ».
Le Los Angeles Times a écrit dimanche à propos de «
la violence viscérale et acharnée des forces rebelles dans les quartiers
résidentiels connus pour être des bastions des partisans de Kadafi. Les
combattants rebelles utilisent de l'artillerie et des canons
antiaériens dans de tels quartiers, dont Abou Salim, Hadba et Salahadin.
À un certain moment cette semaine, les rebelles se servaient de fusils
d'assaut dans les immeubles résidentiels à Abou Salim, où ils
soupçonnaient la présence d'un tireur embusqué ».
En d'autres termes, les forces soutenues par l'OTAN
procèdent exactement au même genre de tirs sans discernement d'armes
lourdes dans les quartiers résidentiels, qui ont servi de prétexte à
l'origine l'intervention de l'OTAN quand Kadhafi a ordonné une action
semblable par ses propres forces. Le témoignage du Times terminait par
une citation d’un chauffeur de taxi de Tripoli qui a déclaré au journal:
« J'ai peur qu'un jour nous devenions comme les Irakiens, nostalgiques
de l'époque de Mouammar Kadhafi ».
Le journal Independent, dans son article du dimanche
en première page, a mis en garde le Conseil national de transition
contre le fait que la barbarie dans les rues de Tripoli pourrait jouer
politiquement contre eux. Il était déjà assez difficile pour les
partisans de l’intervention – comme l’éditorial du journal même – de
tenter de prétendre que Kadhafi procédait au massacre de civils, mais «
cela deviendra presque impossible si la transition d’un régime à l’autre
déclenche des exécutions de masse. »
Le journal britannique a aussi identifié Abdelhakim
Belhadj, le commandant récemment choisi pour diriger le Conseil
militaire de Tripoli, comme un ancien moudjahidine qui « a combattu en
Afghanistan aux côtés des talibans et qui était un islamiste suspecté de
terrorisme par la CIA et interrogé par celle-ci ». Belhadj fut un
fondateur du groupe de combat islamique de la Libye, qui est devenu la
filiale libyenne d’Al-Qaïda après les attaques terroristes du 11
septembre 2001.
Une image effrayante émerge du nouveau régime qui est
en train d’être consolidé à Tripoli. Il est consolidé dans le sang,
tandis que se déroulent des massacres de civils pro-Kadhafi ainsi que
des pogroms contre les travailleurs africains immigrants. Tout cela se
passe sous la direction d’un allié d’Al-Qaïda qui reçoit ses ordres des
quartiers généraux de l’OTAN et de la Maison-Blanche.
Les crimes commis par les forces du CNT, appuyées par
l’OTAN, démontrent l’hypocrisie de la campagne de propagande dirigée
par l’administration Obama et ses complices en Grande-Bretagne et en
France. Ces pays tentent de justifier l’offensive militaire contre la
Libye, un pays riche en pétrole, au nom des « droits humains » et de la
prévention d’un massacre.
Quelques journalistes qui sont sur le terrain à
Tripoli n’ont pas été en mesure de fermer les yeux quant au règlement de
compte sanglant qui prend place. Cela est à leur honneur et démontre
aussi la position cynique et réactionnaire prise par les commentateurs
de la « gauche » aux États-Unis et en Europe qui continuent de justifier
la guerre impérialiste contre la Libye et de masquer son caractère prédateur.
Les évènements se déroulant en Libye constituent une
démonstration pratique pour la classe ouvrière internationale. Ceux qui
ont défendu la perspective d’une intervention « progressiste » par les
puissances impérialistes afin de défendre la démocratie et les droits
humains sont maintenant politiquement impliqués dans d’innommables
crimes. La seule opposition authentique et cohérente à l’impérialisme
est celle qui est conduite sur la base des principes historiques du
mouvement socialiste international, telle que défendue par le World
Socialist Web Site et le Parti de l’égalité socialiste.
Article original, WSWS, paru le 29 août 2011