[ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذه الصورة]C'est là que tout a commencé. A Redeyef, petite bourgade née de l'exploitation du phosphate dans le bassin minier de Gafsa au sud-ouest de la Tunisie.
Par une manifestation devant le local de l'UGTT (l'Union générale des
travailleurs tunisiens), seul syndicat autorisé à l'époque de Ben Ali.
Le mouvement de 2008, répétition généraleLa première manifestation de janvier 2008 a initié un mouvement qui,
durant six mois, a embrasé le bassin minier avant de remonter vers la
capitale. On n'y protestait pas encore contre Ben Ali ou contre un
symbole de l'Etat, mais contre l'UGTT, plus courroie de transmission du parti que véritable contre-pouvoir social.
Et contre les responsables du syndicat des mineurs qui accaparaient,
pour leurs protégés, les embauches réservées aux cas sociaux que la
compagnie générale des phosphates les chargeaient de répartir.
Abdeljalil Bedoui, économiste expert auprès du syndicat, reconnaît
aujourd'hui :
« Le système était fondé sur l'échange entre allégeance et contreparties, et l'UGTT n'a pas échappé à la règle. »
Manifestation de chômeurs, de familles pauvres, bientôt encadrée par
des cadres des syndicats enseignants, qui flairent le potentiel
politique d'une frustration sociale massive. Le mouvement enfle, la
traînée de poudre se répand, mais fait long feu.
Une répétition générale[ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذه الصورة]La centrale syndicale, directement visée, ne relaie pas le mouvement. Les
partis politiques intégrés dans le système se tiennent à distance. Les
réseaux sociaux ne maillent pas la société comme elle le fait à présent
et les vidéos des violences ne sont diffusées que par une chaîne par
satellite. L'aventure se termine par « le jour des cartouches », le 6
juin 2008, lorsque la police et l'armée tirent à balles réelles. Un mort, des dizaines de blessés. 300 prisonniers puis, en décembre, une trentaine de condamnations de prison.
L'épisode sonne comme un échec. Il apparaît aujourd'hui comme une répétition générale, avant d'explosion totale de janvier 2011.
L'histoire a retenu Sidi Bouzid comme le lieu de la première
effloraison du printemps arabe, mais c'est à Redeyef qu'a été lancé pour
la première fois le slogan scandé aujourd'hui dans tous les
soulèvements : « Le peuple veut la chute du régime (“ Ech'châab yourid
iskat en'nidham ! ”) », décliné en autant de versions que de
revendications. Du moins c'est ce qu'on dit à Redeyef.
Janvier 2011, le fruit mûrL'immolation de Mohammed Bouazizi,
le 17 décembre 2010, donne le signal de la protestation sociale. Dès le
3 janvier, un sit-in s'organise, toujours devant le local de l'UGTT,
mais cette fois avec l'accord du Bureau exécutif national qui a senti le
nouveau sens du vent.
Les anciens prisonniers du mouvement de 2008, libérés sous condition
en novembre 2009, réclament l'annulation de leur libération
conditionnelle, le développement de la région et la libération du journaliste Fahem Boukadous
(le seul à couvrir le mouvement social), et de Hassan Ben Abdallah
(responsable de l'organisation des diplômés chômeurs) toujours détenus.
Les slogans deviennent politiques.
La mobilisation est encadrée par les responsables locaux de l'UGTT,
et Adel Jayar, responsable local du syndicat de l'enseignement
secondaire, n'en est pas peu fier :
« C'était un mouvement pacifique, pas une pierre n'a été
jetée. Le 13 janvier, le commissaire de police m'a envoyé un messager
pour me proposer de me remettre les clés du commissariat. J'ai refusé. »
[ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذه الصورة]Le pouvoir tombait comme un fruit mûr et il ne revenait à personne de le
ramasser pour se l'accaparer. Le 14 janvier, à midi, six heures avant
que Ben Ali ne quitte la Tunisie, le commissaire a fermé le cadenas du
poste de police et il est parti. La première brèche dans l'édifice du
régime s'est ouverte à Redeyef.
Le lendemain, les organisateurs du soulèvement laissent les
manifestants passer leur rage sur le commissariat, symbole du régime. Il
fallait un exutoire. Mais le saccage s'est arrêté là.
Redeyef, ville rebelle[ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذه الصورة]Le 21 avril 2011, Redeyef accueille une délégation du comité de suivi du
Forum social maghrébin venu témoigner de sa solidarité avec la
révolution tunisienne. Salle pleine à craquer, slogans révolutionnaires
repris à gorges déployées, des hommes, et des femmes, debout, dressés
comme des rocs sous la tempête. Redeyef arbore sa bravoure à la longueur
du casier judiciaire, au nombre d'arrestations, aux heures passées sous
la torture. Ici pas de place pour les révolutionnaires de la 25e heure.
Adel Jayar, arrêté le 7 avril 2008, se souvient comment les
policiers, dans le fourgon qui l'emmenait au commissariat régional de Gafsa,
chauffaient ses menottes avec un briquet pour lui brûler les poignets,
lui flanquaient des gifles à toute volée, lui arrachaient les cheveux.
Puis comment il a été attaché sur une chaise pendant trois jours, battu,
empêché de se lever même pour aller aux toilettes.
C'est dans ce genre d'acier que son trempés les caractères danc cette
où la révolte est une tradition. En 1937, le bassin minier entrait en
grève. La répression par les forces armées coloniales y fit 17 morts.
Entre 1950 et 1952, Redeyef a été l'une des régions où se sont formés
des groupes armées en lutte pour l'indépendance.
Difficile transition[ندعوك للتسجيل في المنتدى أو التعريف بنفسك لمعاينة هذه الصورة]Les meneurs aujourd'hui sont aux commandes : beaucoup sont membres du
comité de protection de la révolution, sorte de comité de salut public
autoproclamé. Ils ont commencé par décider quels policiers étaient
autorisés à rester en poste à Redeyef et choisi le commissaire,
originaire de la ville. Les deux cents membres du comité se cotisent
pour faire tourner les services publics et notamment le nettoyage de la ville.
« Notre devise : Dégage, ménage, engage ! », s'enthousiasme Adel Jayar. Et, après, ça recommence ? « Pas impossible », reconnaît-il :
« Maintenant, nous n'allons pas tarder d'être vus comme les responsables de tout ce qui ne marche pas. »
Et dans la Tunisie en transition, la liste est longue de ce qui ne
marche pas, des revendications impossibles à satisfaire, des
déceptions :
« Nous étions préparés à la lutte, mais pas à ce qui est
venu après. Comment faire face à toutes demandes de la population ? Les
sit-in bloquent l'exploitation du phosphate. La compagnie perd neuf
millions de dinars par jour (la moitié en euros). Les salariés ne
peuvent pas rentrer, même ceux qui s'occupent du versement des
salaires ! Nous avons essayé d'aller parler aux manifestants, mais ils
ne veulent pas nous écouter. »
Toute la contradiction de la transition est là, dans cette impatience
impossible à satisfaire dans l'instant, dans cette protestation sociale
qui prive l'économie de l'oxygène dont elle a besoin pour créer les
emplois réclamés, dans ce morcellement de la légitimité significative du
moment révolutionnaire, dans cette rupture entre les intégrés et les
exclus à laquelle le changement de régime n'a pas mis fin.
Peut-être faut-il garder un oeil sur Redeyef pour prendre le pouls de la la révolte en Tunisie.
Photos : local de l'UGTT à Redeyef ; le V de la Révolution à
Redeyef ; le portrait de Ben Ali converti en paillasson au local de
l'UGTT à Redeyef ; réunion enthousiaste après la révolution, le 21 avril
2011, à Redeyef ; tag sur un mur : « C'est nous qui brisons les
barreaux des prisons pour nos frères » (Thierry Brésillon) A lire aussi sur Rue89 et sur Eco89
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- ► Pour la Révolution, il plaque la France et rentre en Tunisie
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