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| موضوع: Egypte – «Sauver une femme», fantasme classique de la violence confessionnelle الخميس 12 مايو 2011 - 18:55 | |
| Egypte – «Sauver une femme», fantasme classique de la violence confessionnelle
Les attaques contre les chrétiens en Egypte n’ont pas cessé comme par enchantement avec l’avènement de la révolution et la chute du régime autoritaire de Hosni Moubarak. La violence confessionnelle continue avec la même intensité nourrie par les mêmes fantasmes : sauver des griffes de l’Eglise des chrétiennes converties à l’islam…
Des batailles rangées, des armes à feu, des cocktails Molotov, douze morts, deux cents blessés, deux églises brûlées, le quartier très pauvre d’Imbaba au Caire a vécu une nuit d’enfer le 8 mai dernier, parce qu’un groupe d’Egyptiens de confession musulmane a décidé de voler au secours d’une femme retenue contre sa volonté dans l’église Mar Mina.
Cette femme qui n’existe que dans le fantasme collectif des assaillants est supposée être une chrétienne qui s’est convertie à l’islam et que les prêtres coptes ont séquestrée à l’intérieur de l’église. Le mythe de la femme vertueuse qu’il faut sauver des griffes des méchants coptes est aussi vieux que la violence sectaire en Egypte, et pourtant à chaque fois, journalistes égyptiens, enquêteurs et militants des droits de l’homme rapportent l’«information» comme la probable explication du déclenchement de la violence, une information à vérifier, à recouper, ou au mieux une rumeur à démentir pour calmer une bonne fois pour toutes les esprits.
Personne ne semble vouloir traiter ces «rumeurs» comme ce qu’elles sont véritablement : le symptôme le plus classique d’une maladie très ancrée dans la société égyptienne, la maladie de la haine confessionnelle. Protéger les femmes, «nos femmes» de l’Autre, quoi de plus courant pour justifier les pires brutalités commises contre l’Autre, les raisons évoquées par ceux qui lynchaient les Noirs dans le Sud des Etats-Unis n’étaient-elles pas souvent du même ordre ?
Mais plutôt que déshabiller ce mythe et faire face à ce qu’il cache véritablement, une grande partie de l’élite intellectuelle et militante égyptienne préfère aborder la question sous sa forme anecdotique ou politique. La presse rapportera donc que des agents spéciaux ont activement recherché «la femme séquestrée» dans les décombres des églises d’Imbaba et qu’ils n’ont rien trouvé. Les militants des droits de l’homme s’appesantiront sur la «curieuse» et «suspecte» passivité des forces de l’ordre qui ont observé pendant longtemps les affrontements avant de décider d’intervenir enfin (voir, par exemple, le rapport de l’Initiative égyptienne pour les droits individuels EIPR). Une autre tendance de la presse insistera, elle, sur la présence d’un nouvel élément dans ce type de drame : l’élément salafi, l’attaque contre l’église ayant été déclenchée par des individus vêtus à la mode «salafie» et suivi sur twitter par des messagers s’appelant «anasalafi». L’Etat, lui, comme au temps de Hosni Moubarak, procédera à des arrestations massives et veillera, ce faisant, à ce qu’en tête du peloton, deux suspects principaux seront à blâmer équitablement : l’un musulman, l’autre copte, équilibrant ainsi artificiellement la responsabilité de la violence dans une situation où le déséquilibre est absolument manifeste.
Du temps de Hosni Moubarak, la "dictature", des "manipulations des services de sécurité", des "provocations pour alimenter les tensions confessionnelles" faisaient souvent partie des explications que les militants égyptiens pour la démocratie fournissaient pour tenter de comprendre les violences interconfessionnelles. Mais depuis que Hosni Moubarak a été renversé et mis sous les verrous, le tremblement de terre politique du 25 Janvier 2011 ne semble avoir eu aucun impact sur les violences religieuses qui continuent «le plus normalement du monde» en Egypte. Il semble même que les furieuses violences interconfessionnelles qui secouent de manière chronique la Haute Egypte où la densité de la population chrétienne est la plus forte (jusqu’à 30% et même 40% de chrétiens dans certaines provinces) soient de plus en plus fréquemment cairotes.
Pourtant c’est encore «l’autorité de l’Etat» que les défenseurs des droits de l’homme accusent dans un communiqué de crise signé par les plus connues et les plus respectées des organisations de la société civile égyptienne où il elles regrettent que «le départ de Moubarak n’ait pas encore été accompagné par une rupture complète d’avec ses méthodes». Mais s’il est indéniable que les méthodes scandaleuses de la dictature Moubarak continuent avec le Conseil militaire qui a pris en main les rênes de l’Egypte (tortures, répression sanglante des manifestations, tribunaux militaires, etc.) il est tout de même plus difficile de lui imputer aussi la responsabilité des violences contre les chrétiens.
L’exercice est douloureux et il faudra encore bien plus qu’un 25 janvier pour que les Egyptiens se décident à regarder ces violences – aussi anciennes en terre d’Egypte que la cohabitation entre coptes et musulmans – pour ce qu’elles sont véritablement. |
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