Ismael Haniyeh a été accueilli par la
foule des grands jours à l’aéroport de Carthage, en ce jeudi 5 janvier.
Les vivats ont retenti, et les sympathisants d’Ennahdha venus en masse
ont entonné des slogans appelant à la libération de la Palestine. M.
Haniyeh a eu un entretien avec le Premier ministre
Hamadi Jebali à la Kasbah.
Le dirigeant palestinien s'est également entretenu avec le président de
la République, M. Moncef Marzouki, ainsi qu’avec le président de
l'Assemblée constituante M. Mustapha Ben Jaafar. Reste à tenter de
cerner les objectifs d’une telle visite, dans la Tunisie
d’après la Révolution.
La violence de la répression menée par le régime vacillant de Bachar
Assad en Syrie, désormais de moins en moins populaire, même en
Palestine, et la nouvelle donne induite par les Révolution Arabes, a
poussé le Hamas à se dégager peu à peu de l’axe Damas-Téhéran. Une
initiative largement facilitée par la décision de l’Iran d’interrompre
son soutien financier à Hamas. Autant de raisons, donc, qui amènent le
mouvement de résistance islamique palestinien à se rapprocher d’Ankara
et de Doha. Erdogan a d’ailleurs reçu mardi 3 janvier Haniyeh, en
grandes pompes, à Ankara, et pour la deuxième fois depuis que le
néo-Ottoman est au pouvoir. Et pour les Turcs, les négociations pour la
paix ne sauraient exclure le Hamas, malgré les réticences occidentales.
Et Dieu sait qu’Ankara et Doha sont chères au gouvernement tunisien dirigé
par Ennahdha. Ce serait presque une visite dans l’ordre des choses,
donc, même si elle marque un tournant important pour la diplomatie
tunisienne. Mais ce ne sera pas le seul point de rapprochement entre
Ismaïl Haniyeh, et Hamadi Jebali, et des autorités tunisiennes de plus
en plus agacés par l’activisme des salafistes.
Le Hamas face aux salafistes palestiniensEn plus des problèmes économiques, le gouvernement tunisien doit
aujourd’hui faire face à l’émergence (et aux débordements) de la
mouvance salafiste. Or le Hamas a aussi été amené à gérer ce type de
problèmes. Sauf que la situation du côté des territoires palestiniens
est évidemment beaucoup plus explosive. Ainsi, en avril 2011, la police
du Hamas a dû mener un assaut contre des représentants du salafisme,
suspects d’avoir tué Vittorio Arrigoni, un militant italien de
l'association pro-palestinienne International Solidarity Mouvement.
Bilan de l’opération : deux morts et un blessé parmi les extrémistes. Et
il ne s’agissait pas d’une première.
En août 2009, le Hamas n’avait pas hésité à mener un assaut contre les
salafistes du groupe Djound Ansar Allah, qui se croyaient à l’abri,
barricadés dans une mosquée. L’opération avait occasionné plus de 24
morts et 130 blessés. Les salafistes avaient osé proclamer la création
d’un «Emirat Islamique» dans la zone contrôlée par le parti d’Ismaïl
Haniyeh. Autant dire que la gestion du salafisme par le Hamas est pour
le moins musclée.
Les jeunes tunisiens, qui ont accueilli le leader palestinien à
l’aéroport, et, parmi eux, les quelques membres de la nébuleuse
salafiste, sont-ils vraiment tous informés de ces quelques vérités ?
Combien d’entre eux soutiennent les extrémistes de Sejnane qui
prétendent imposer, dans ce village du nord tunisien, leur loi moyenâgeuse ?
Dieu merci, on aura noté que le plus médiatisé des sit-ins salafistes en
Tunisie, celui de la faculté de la Manouba, est en partie levé, et sans
violence. Et les cours devraient normalement reprendre au lendemain de
la visite du chef de Hamas.
Marwene El Gabsi