Sans une communication responsable, transparente et adéquate, les problèmes non
réglés à temps risquent de s’amplifier et de compliquer davantage une
hypothétique solution. Par Zohra Abid
Les dérapages sécuritaires, les actions coups de poings des
soi-disant salafistes les procès des membres de l’ancien clan au
pouvoir... Ce ne sont pas les sujets brûlants qui manquent. L’actualité
de ce début d’été torride est chaude, très chaude.
Des absences surprenantes
En assistant, mardi, à la rencontre hebdomadaire de la cellule de communication du Premier
ministère au Palais du gouvernement à la Kasbah, on pensait avoir
quelques éclaircissements sur ces sujets qui préoccupent l’opinion
publique. Que nenni! Le gouvernement a, semble-t-il, d’autres soucis.
Comment expliquer sinon l’absence surprise, à ce point de presse très
attendu, des représentants des ministères de l’Intérieur, de la Défense
et de la Justice?
Que leurs collègues des départements des Affaires sociales, de
l’Education et de la Cour des comptes nous pardonnent. Mais nous
attendions le gouvernement sur d’autres sujets que ceux du retour des
émigrés, du recrutement dans le corps enseignant ou du fonctionnement de
la Cour des comptes. Ces sujets sont, certes, d’actualité et leur
intérêt pour l’opinion publique est certain. Mais ils pouvaient
attendre, d’autant que, vérification faite, la plupart des informations
données sont déjà sur les sites des ministères, si elles n’ont pas déjà
été reprises par les médias.
Quand un groupe d’activistes venus de nulle part s’attaque, dimanche,
à une salle de cinéma au cœur de Tunis à quelques dizaines de mètres du
bâtiment du ministère de l’Intérieur, et que la police n’intervient
qu’une demie heure plus tard, après que les assaillants aient attaqué et
agressé des cinéphiles et infligé des dégâts aux équipements...
Quand un sit-in de cinq jours du syndicat des forces de sécurité de
Gabès est levé, lundi, par une intervention musclée de commandos
cagoulés venus spécialement de Tunis…
Quand le même jour, à Ras Jedir, le poste frontalier avec la Libye en
guerre, des douaniers arrêtent le travail pendant quelques heures pour
se plaindre de personnes louches, probablement des trafiquants et des
contrebandiers, qui essayent de les intimider et de leur imposer des diktats…
Quand le matin même de la rencontre de presse périodique, et à
quelques pas du bâtiment du Premier ministère, un groupe de présumés
salafistes font une démonstration de force devant le Palais de justice
de Tunis, agressant des avocats et des citoyens, pour exiger la
libération de leurs camarades arrêtés deux jours auparavant…
Quand des voix s’élèvent au sein des services de sécurité pour
demander que la lumière soit faite sur l’identité des snipers qui ont
tiré et fait des morts et des blessés dans plusieurs villes du pays,
avant et après le 14 janvier, ces mêmes snipers dont le Premier ministre
Béji Caïd Essebsi avait récemment nié l’existence...
Quand les familles des victimes s’impatientent de voir les meurtriers de leurs enfants traduits devant la justice…
Quand l’opinion publique ressent un grand malaise, parce qu’elle ne
voit pas de changement venir dans pratiquement tous les secteurs
(administration, sécurité, justice, médias...), et appréhende, à juste
titre, la remise en place de l’ancien appareil, de ses principaux
moteurs et même de ses figures les plus honnies, lesquelles ne prennent
même plus la précaution de se cacher...
Un gouvernement dans l’ombrePour toutes ces raisons – mais pas seulement, car le pays est aussi
confronté à des problèmes politiques, économiques et sociaux qu’il
serait fastidieux d’énumérer ici –, la présence au point presse
périodique du gouvernement des représentants des ministères de
l’Intérieur, de la Justice et de la Défense aurait été utile sinon
nécessaire pour aider à la compréhension de tous ces faits, informer
l’opinion publique. Pour ne pas dire la rassurer, car ç’aurait été trop
demander à un gouvernement provisoire, si provisoire d’ailleurs qu’il ne
donne pas l’impression de bien maîtriser la situation. Sinon, pourquoi
reste-t-il confiné dans l’ombre à chaque fois qu’il y a urgence et que
l’actualité du pays lui impose d’être plus visible et plus loquace?
Les Tunisiens ont le droit de savoir si le navire Tunisie va arriver à
bon port le 23 octobre prochain, si le capitaine tient bien la barre,
et si la tempête qui souffle depuis le 14 janvier va enfin se calmer,
que le ciel va s’éclaircir et que la vie va enfin reprendre son cours.