Jamel Mokni, auteur et réalisateur belgo-tunisien, connu pour son court métrage Chronique d'un amour qui dure, vient de dépuceler le cinéma en Tunisie.
Le mercredi 27 octobre 2010, son documentaire « Hymen National- malaise dans l'islam », à cause duquel il avait beaucoup souffert pour qu’il soit filmé en Tunisie selon ses propres dires, a été enfin projeté en avant-première internationale à Tunis à El Teatro. Dans sa présentation du film, Jamel Mokni avait loué la codirigeante d’El Teatro- avec le fameux dramaturge Taoufik Jebali- en disant : « Je remercie Zayneb Farhat d’exister…»
La salle était pleine à craquer ; on pouvait à peine trouver une place pour s’asseoir bien que le film ait été programmé à 3heure de l’après-midi, heure peu commode pour les travailleurs et étudiants. Cela n’avait pas empêché l’universitaire Olfa Youssef, la psychologue Sondes Garbouj, et bien d’autres personnalités de la société civile d’être au rendez-vous.
Il est indispensable de rappeler que ce documentaire avait était refusé de la sélection lors des JCC. Cependant, cela avait déjà des antécédents et on pouvait s’attendre à ce refus d’autant plus que le réalisateur a eu beaucoup de mal à tourner son film en Tunisie. En effet, il traite d’un sujet très délicat, celui de la reconstruction chirurgicale de l’hymen en Tunisie, opération qui permet de retrouver un semblant de virginité.
Cette pratique, appelée hymenorraphie/ hymenoplastie, faite pour ne pas subir l’opprobre de la famille et de la société est une exigence restreinte à la femme. Pour que cette dernière puisse prouver qu’aucun homme ne l’avait touchée, il faudra qu’elle prouve que son « honneur », traditionnellement réduit en la partie physique de l’hymen- membrane fermant en partie l’orifice externe du vagin, est intact.
Dans ce film, la fiction a laissé place à la crudité de la réalité transmise par de courageux, paradoxaux, lâches ou niais témoignages de tunisiennes et tunisiens qui avaient participé à la défloration d’un quotidien muet quant à la question de la virginité et l’hymenorraphie.
Quelques avis précieux de professionnels dans divers domaines comme la médecine, la magistrature, la psychologie ou le 4e Art avaient jalonné le documentaire.
Selon Olfa Youssef, directrice de la BNT (Bibliothèque nationale de Tunisie), le travail du réalisateur ne serait pas sujet à scandale s’il avait été confiné au domaine du privé. Par conséquent, ce serait son passage du domaine privé au domaine public qui aurait « dérangé » pour qu’il soit refusé des JCC.
En effet, il y a des vérités qui se disent sans aucune gêne sans la caméra mais, passées la frontière du huis clos, elles se métamorphosent en tabou.
Ce n’est donc pas fortuit si Jamel Mokni, dans cette avant-première, avait lancé sa question : « pourquoi le film a été refusé : serait-il vraiment médiocre ou est-ce parce que la femme tunisienne n’est pas encore prête à aborder ces sujets là ? »
Il y a tant à dire sur ce film, entre autres des conditions de sa réalisation, de son contenu : aussi bien sur le plan substantiel que technique et surtout de la carrière de son réalisateur, qu’on ne peut réduire en quelques mots.
Une interview avec le réalisateur sera au plus tôt publiée pour nos lecteurs.
Lilia Weslaty